Chevrolet Corvette Stingray
La rock star et les culbuteurs
Depuis 1953, la Corvette incarne le mythe de la sportive américaine. Cela ne va pas cesser avec cette septième génération, époustouflante.
Mon rôle de capitaine de Corvette m’impose de passer sans plus attendre aux choses sérieuses, mode “sport” enclenché, lequel ouvre en grand les soupapes d’échappement, augmente la réactivité de la pédale des gaz, recule le seuil d’intervention de l’anti-dérapage ESP, adapte les réglages du différentiel à glissement limité électronique, affermit l’amortissement piloté et modifie l’assistance électrique de la direction à démultiplication variable.
Dans une belle ligne droite, je mets un bon coup d’éperon : la sentence est immédiate. Petit A, ça pousse très, très fort, sans jamais s’essouffler. Petit B, il faut fermement tenir les rênes car le popotin se met en tête d’arriver le premier au bout de la ligne droite. Petit C, la sonorité du “small block”, sublimée par quatre trompettes d’échappement, est tout bonnement fabuleuse. Au rétrogradage, cela continue avec la fonction Active Rev Matching, accessible depuis les palettes au volant, qui effectue un double débrayage en relançant le régime moteur d’un judicieux petit coup de gaz. Ceux qui ont déjà assisté aux 24 Heures du Mans peuvent avoir une petite idée de l’émotion que suscite cette musique qui s’accompagne de vibrations dans le sol. Je perçois soudain une petite voix qui crie : “Pitié, pitié, Monsieur le V8.”
Ce sont les deux Michelin Alpin arrière qui hurlent leur calvaire, leurs lamelles souples n’en pouvant plus d’être ainsi torturées ! Reste le mode ultime, “piste”, qui vous confirme que c’est bien aux Etats-Unis que le rock’n’roll est né. Il permet de passer d’un caractère ultra-sportif à carrément méchant, une fois l’anti-patinage et l’ESP déconnectés.
C’est ce mode que j’ai choisi pour me mesurer au 0 à 100 km/h, un chronomètre qui annonce votre temps dans cet exercice figurant parmi les nombreux menus proposés au tableau de bord ! Au-delà, mieux vaut se rendre sur un circuit, car plus la vitesse augmente, plus le train arrière devient fougueux. Ni l’anti-patinage ni l’excellent amortissement magnétique piloté, associé à des ressorts à lames composites transversaux à l’avant et à l’arrière, ne parviennent à véritablement endiguer ses débordements. Ces satanés pneus hiver ont ici une grande part de responsabilité. Dommage de ne pouvoir mieux profiter du tout nouveau châssis en aluminium, offrant une répartition des masses de 50/50, annoncé comme 57 % plus rigide que celui, en acier, de la précédente C6, et également plus léger de 45 kg. La carrosserie est, elle aussi, allégée de 17 kg grâce à l’emploi de matériaux composites parmi lesquels de la fibre de carbone.
Car, aussi rustique et virile soit-elle, cette nouvelle Corvette ne s’interdit pas certains raffinements modernes, parmi lesquels ses différents programmes de conduite. Outre les modes sport et piste, elle en propose trois autres, bien plus policés. En mode “neige et pluie”, cette C7 se montre d’une rassurante docilité. A peine moins en modes “éco” et “tourisme”, d’autant que le V8, qui a désormais droit à une injection directe et une distribution variable en continu, peut fonctionner sur quatre cylindres (en V4) histoire d’économiser quelques décilitres d’or noir (et quelques grammes de CO …).
Ainsi, sur le septième et dernier rapport, à 130 km/h stabilisés sur autoroute, le comptetours affiche moins de 1 200 tr/min et l’ordinateur de bord oscille entre 6 et 7 litres aux 100 km. Un comble pour une américaine, mais un véritable exploit ! Si l’habitacle présente des cotes d’habitabilité étonnamment réduites qui en empêchent l’accès à un Américain un peu costaud, en particulier avec les étroits sièges baquets de série séparés par un tunnel de transmission aussi volumineux que dix Big Mac,
les claustrophobes pourront toujours ôter en un tournemain le léger toit amovible transparent. Malgré des matériaux nobles (fibre de carbone, cuir, suédine et aluminium), présentation et finition demeurent assez quelconques. Reste une ergonomie du poste de conduite très aboutie, complétée par une foule d’informations et de fonctions paramétrables à la carte, parmi lesquelles un affichage tête haute pour jouer au pilote de chasse. Enfin, et c’est aussi la magie de la Corvette.