T’as un bel essieu tu sais
Air France, vol 66 Paris-Los-Angeles. Nous n’atterrissons que dans 4 heures, j’occulte le hublot pour regarder un film. La sélection inclut « Bullitt », où apparaît dans la course-poursuite la plus célèbre de l’histoire du cinéma une magnifique Mustang 390 GT pilotée par Steve McQueen.
Durant un instant, une pensée fuse dans mon esprit: et si c’était une manœuvre de Ford pour influencer au beau milieu de l’Atlantique des journalistes semi-comateux qui se rendent au lancement international de la Mustang 2015? Peu importe. Je le regarde une fois de plus, les yeux mi-clos. Ce qui me fascine dans ce film, ce sont les spécificités de la Ford choisi. Logiquement, la Dodge Charger des méchants était plus performante, mais Max Balchowsky, un ancien pilote, a modifié la Mustang avant le tournage pour la mettre à niveau. Celle-ci a été retenue car c’était pile-poil le genre de voiture rapide qu’un flic mal payé comme Franc Bullitt, un vrai passionnée, pouvait raisonnablement s’offrir. Surtout, on avait pratiqué une bosse bien visible dans le pare-choc, pour que le spectateur se dise que le personnage n’avait pas les moyens de la faire ôter. Une idée de McQueen apparemment. Quelle meilleure façon de montrer que la Mustang est la voiture de sport de M. Toulemonde? Ensuite, il n’a fallu que 7 minutes de poursuite fascinante pour la faire accéder au statut d’icône car la Ford, affublée d’un essieu arrière rigide mais puissante et conduite par l’acteur le plus cool du monde, parvient finalement à défaire la terrifiante Dodge Charger noire.
Que cela soit délibéré ou non, ce film présente la Mustang comme un incarnation sur roues du rêve américain: puissance, glamour et succès à portée de bourse du quidam. Quarante-six ans plus tard. La Ford passant le demi-siècle (9,2 millions de voitures vendues) sait toujours ajouter une touche d’exotisme dans le banal du quotidien grâce à son image. Cela dit, au cours de sa carrière, elle s’est quand même un peu noyée dans sa propre mythologie, se moquant même des critiques constructives. Certes, elle n’était pas aussi efficace qu’une BMW, mais on ne va pas chez McDo pour manger diététique… On sait que les icônes américaines traversent bien l’Atlantique, bien sûr. Mais si Ford veut que l’Europe s’entiche de la Mustang – et selon le constructeur, elle exerce chez nous un fort pouvoir de séduction – elle devra redevenir la « muscle car » sexy, iconique et abordable qu’on a vue dans « bullit », et non pas le coupé obèse et sous-motorisé qu’elle a pu être une certaine époque.
Passons aux bonnes nouvelles. La nouvelle Mustang « mondiale », de 6e génération, la première à être importée officiellement depuis plus de quarante ans, apparaît comme une vraie voiture moderne. Et sérieusement conçue, ce qui, avec son look vintage dû aux équipes de Moray Gallum, la rend diablement attractive. Et avec un prix de base de 36’000 CHF environ, quand elle sera disponible à la commande avant la fin de l’année, elle dispose d’un autre argument massue.
Fait intéressant, elle se ne contente pas d’un gros V8. En effet, elle se dote du 4-cylindres turbo 2,3 l Ecoboost offranct 314 ch et 433 Nm, garanti de belles performances et d’une consommation raisonnable. Et pour 5’000 CHF de plus, le gros V8 5,0 l s’offre à vous. Les beaux blocs s’attèlent à une boite 6 manuelle getrage, alors que seul le V8 peut s’associer à une unité automatique à 6 rapports et palettes au volant. L’antique essieu arrière rigide se voit remplacé par un train totalement indépendant, tandis que les ailles avant et le capot en aluminium révèlent une chasse au kilo superflu.
Sur le marché européen, le Performance Pack est livré d’office. Rien de bien exceptionnel toutefois puisqu’il inclut une suspension affermie, des jantes et pneus élargis ainsi que divers modes de conduite, agissant sur l’assistance de direction, l’ESP et la boîte auto le cas échéant. Rien de plus. Les Mustang européennes recevront de série un différentiel piloté et, dans le cas de la V8, d’une désactivation des freins arrière (ou « line lock ») pour les adeptes des burns.
Pour sa part l’habitacle progresse, tant côté présentation que finition. Les grands cadrans circulaires, cerclés de chrome, restent de mis mais ils s’insèrent dans un ensemble modernisé, comprenant un écran multifonction tactile et des doutons de commande bien disposés même si certains imitent l’aluminium de façon un peu cheap. Notons aissi quelques plastique de basse qualité, sensibles aux rayures. Néanmoins, la position de conduite est bonne et les sièges Recaro optionnels allient confort et maintien. En revanche, l’habitabilité arrière est des plus limitées.
Nous décollons de Sunset Boulevard dans une GT
2,3 Ecoboost, et les premières impressions ne sont guère encourageantes. La sonorité du moteur a été travaillée pour correspondre à l’esprit Mustang et à régime modéré, il a une voix rauque et grondante assez appropriée. Mais il se révèle rigueux ce qui ne me rassure pas quant à son agrément dans les routes de montagne qui nous attendent, une fois passés les embouteillages matinaux de Los Angeles. Heureusement, la commande de boîte, aux débattements courts, est très plaisante. En sus, la Mustang attire les regards, tout le monde semblant deviner qu’il s’agit du modèle 2015. On connaît bien cette Ford ici. Cela fit, à basse vitesse, la suspension apparaît déjà très ferme. Ce n’est pas forcément un défaut, mais elle tressaute constamment alors que la route paraît bien revêtue. C’est peut-être prématuré, mais quelques doutes m’habitent déjà.
Une demi-heure plus tard, ils ont presque tous disparu, à l’image du smog de L.A. Nous nous trouvons sur des voies lisses et rapides, présentant une bonne adhérence et divers virages à rayon constant aux bords judicieusement relevés. La Mustang
a totalement changé de visage, et exhibe un châssis de toute première qualité. Bien campée sur ses roues, elle révèle des réserves de grip vraiment étonnantes, également réparties entre l’avant et l’arrière. La direction électrique remonte quelques informations mais manque de précision autour du point milieu, donc si le train avant s’inscrit volontiers en virage, on se retrouve parfois à agir deux fois sur le volant pour affiner sa trajectoire. Au bout des possibilités, elle se met à glisser des 4 roues de façon si saine, progressive et transparente qu’elle incite à constamment titiller la limite en ajustant l’angle d’attaque à l’accélérateur. Si on le relâche en appui La Mustang resserre la trajectoire avec une belle cohérence, ce qui inspire une grande confiance. Certes, les bosses abordées en virage peuvent engendrer quelques balancements, mais dans l’ensemble, les qualités dynamiques de la Mustang sont une révélation. Elles se complètent de très bons freins, à la pédale agréablement progressive. En revanche, le moteur Ecoboost séduit beaucoup moins. Performante à mi-régime, il manque désespérément de souffle à l’abord de la zone rouge et se révèle très bruyant quand on le sollicite vraiment. ça irait encore s’il était musical, mais c’est loin d’être le cas. Vous me direz: »Mais son but, c’est l’économie, imbécile ». Sauf que ça ne se vérifie pas.
A un moment, la consommation moyenne a atteint 25 l/100 km. Et plus tard, sur cette même route et la même cadence, la V8 s’est « contentée » de 21,5 l/100 km. On en tirera les conclusions qu’on voudra… Surtout que son moteur guttural sonne admirablement bien, monte allègrement en régime, pousse beaucoup plus fort et ne compromet pas l’équilibre très plaisant du châssis malgré le surpoids qu’il impose au train avant.
Je sais laquelle Steve McQueen aurait choisie. En résumé, la Mustang propose toujours un agrément typique de propulsion pour un tarif très raisonnable.